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Un système hydraulique à l’origine de la construction de la pyramide de Saqqarah

L’article scientifique, publié dans le journal scientifique PLOS One, révèle l’existence d’un système hydraulique complet et moderne, qui aurait permis d’ériger la première pyramide monumentale d’Égypte à la manière d’un « volcan », avec les matériaux de construction arrivant au niveau de son axe central.

Ce réseau hydraulique est composé d’un barrage, d’une installation de traitement de l’eau, de conduits souterrains et d’un monte-charge hydraulique, des structures aux fonctions encore jamais identifiées jusqu’alors.

Construite il y a environ 4700 ans, la pyramide à degrés de Djoser située sur le plateau de Saqqarah, est considérée comme la plus ancienne des sept pyramides d’Egypte de taille monumentale.

Considérée comme préfiguratrice de la pyramide de Khéops, son architecture novatrice présente des innovations majeures telles que l’emploi de millions de pierres taillées et un complexe souterrain comptant plus de 7 km de galeries.

Trois découvertes majeures

Le barrage du Gisr el-Mudir, une structure longue de près de 2 kilomètres.

À partir d’une analyse multidisciplinaire mêlant près d’une dizaine spécialités distinctes au sein de 3 organismes de recherches, les chercheurs ont découvert que l’une des structures inexpliquées du plateau de Saqqarah, appelée « Gisr el-Mudir », présente les signatures techniques d’un barrage. Considéré parfois comme le plus vieil ouvrage monumental en pierres au monde, la fonction du Gisr el-Mudir restait inconnue et largement débattue, les hypothèses variant de l’enclos à bétail à la forteresse, jusqu’à l’arène de célébration destinée au pharaon.

Ce barrage, gigantesque par ses dimensions (près de 2 km de long pour 15 m d’épaisseur), présente en réalité toutes les caractéristiques d’un piège sédimentaire. Construit entre deux flans de vallée, il aurait permis la régulation et la filtration grossière de l’eau, tout en offrant une protection contre les crues torrentielles au plateau de Saqqarah situé en contrebas.

En aval du barrage, une étude topographique a permis de montrer l’existence possible d’un lac intermittent, connecté avec l’immense douve entourant le complexe de Djoser, une hypothèse confirmée par les résultats d’analyses géophysiques et sédimentaires d’autres équipes de recherches européennes.


 

Une installation de traitement de l’eau

Dans la partie sud de la douve entourant le complexe de Djoser, les chercheurs se sont intéressés à une excavation monumentale, la « Deep Trench », longue de 400 m et profonde de 27 m, entièrement taillée dans la roche, à la fonction jusqu’alors inexpliquée.

En recoupant les analyses hydrologiques et les résultats archéologiques passés, les chercheurs ont montré que cette structure, qui comprend plusieurs compartiments successifs, réunit toutes les caractéristiques techniques d’une installation de traitement de l’eau. Ces compartiments correspondraient à un bassin de sédimentation, à un bassin de rétention et à un système de purification de l’eau.

Avec le barrage du Gisr el-Mudir, la Deep Trench formait ainsi un système hydraulique complet capable de purifier et réguler de grands volumes d’eau afin de répondre à des besoins pratiques ou encore pour subvenir aux besoins vitaux des ouvriers du plateau de Saqqarah.


 

Le monte-charge hydraulique, un moyen de construction révolutionnaire

Découverte centrale de la publication scientifique, l’équipe de chercheurs a montré que l’architecture interne de la pyramide à degrés de Saqqarah correspond à un mécanisme de monte-charge hydraulique.

Les chercheurs montrent notamment que l’eau issue de l’installation de traitement de la Deep Trench aurait été introduite dans le réseau de conduits souterrains situés sous la pyramide de Djoser (7 km de conduits jusqu’alors inexpliqués).

Au travers de ce réseau hydraulique, l’eau aurait été guidée jusqu’au puits central situé sous la pyramide (28 m de profondeur) et aurait permis par des cycles de remplissage et vidange, l’élévation d’un flotteur transportant des pierres. La pyramide de Djoser aurait été érigée à la manière d’un « volcan » avec les matériaux de construction arrivant au niveau de son axe central.

En poursuivant leurs analyses, les chercheurs suggèrent que les systèmes à bouchon retrouvés au fond des puits correspondraient, non pas aux sarcophages du pharaon Djoser, mais à des mécanismes d’ouverture/fermeture hydraulique, jouant le rôle de vannes.

Sur la base des données paléoclimatiques disponibles et par cartographie des bassins versants environnants, les chercheurs montrent, grâce un modèle hydromécanique, que la ressource en eau disponible pendant la période de construction était suffisante pour permettre la construction de la pyramide.

« Ce travail ouvre une nouvelle ligne de recherche pour la communauté scientifique : celle de l’usage de la force hydraulique pour l’édifications des pyramides d’Égypte. Mais surtout, ce travail questionne sur le niveau de connaissance technique atteint par les architectes de ces ouvrages, qui dépasse de loin les capacités attribuées jusqu’alors. Plus largement, il questionne le fil historique établi. Enfin, l’étude ouvre une autre question : où se trouve la tombe du pharaon Djoser ? Ce système, qui a vraisemblablement servi à ériger la pyramide, pourrait-il avoir permis de placer le roi dans sa dernière demeure, au cœur de la pyramide elle-même ? »

Xavier Landreau, président de Paleotechnic, chercheur au CEA et auteur principal 

A propos de Paleotechnic

Paleotechnic est un institut de recherche privé, spécialisé dans l’archéologie et l’analyse des technologies du passé, notamment issues de l’Egypte Antique. Son cœur de métier est l’étude de la construction des grandes pyramides d’Egypte. En dehors de ses activités de R&D, Paleotechnic propose des prestations de conseil scientifique appliquées à l’égyptologie mais aussi, à la demande, des conférences, plans, coupes, élévations, cartes et cours magistraux. Paleotechnic conduit une recherche multidisciplinaire pour répondre aux questions relatives aux origines de notre civilisation et se distingue par ses méthodes multidisciplinaires mêlant hydrologie, géotechnique, physique, mathématiques, science des matériaux ou encore histoire. Fondé en 2023, Paleotechnic est issu d’une collaboration scientifique impliquant des chercheurs de INRAE, du CEA, du CNRS, de l’université d’Orléans et de trois sociétés privées (SICAME Group, Verilux International, ATOUTSCARTO). 

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Un système hydraulique à l’origine de la construction de la pyramide de Saqqarah

L’article scientifique, publié dans le journal scientifique PLOS One, révèle l’existence d’un système hydraulique complet et moderne, qui aurait permis d’ériger la première pyramide monumentale d’Égypte à la manière d’un « volcan », avec les matériaux de construction arrivant au niveau de son axe central. Ce réseau hydraulique est composé d’un barrage, d’une installation de traitement […]

Un système hydraulique à l’origine de la construction de la pyramide de Saqqarah
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L’article scientifique, publié dans le journal scientifique PLOS One, révèle l’existence d’un système hydraulique complet et moderne, qui aurait permis d’ériger la première pyramide monumentale d’Égypte à la manière d’un « volcan », avec les matériaux de construction arrivant au niveau de son axe central.

Ce réseau hydraulique est composé d’un barrage, d’une installation de traitement de l’eau, de conduits souterrains et d’un monte-charge hydraulique, des structures aux fonctions encore jamais identifiées jusqu’alors.

Construite il y a environ 4700 ans, la pyramide à degrés de Djoser située sur le plateau de Saqqarah, est considérée comme la plus ancienne des sept pyramides d’Egypte de taille monumentale.

Considérée comme préfiguratrice de la pyramide de Khéops, son architecture novatrice présente des innovations majeures telles que l’emploi de millions de pierres taillées et un complexe souterrain comptant plus de 7 km de galeries.

Trois découvertes majeures

Le barrage du Gisr el-Mudir, une structure longue de près de 2 kilomètres.

À partir d’une analyse multidisciplinaire mêlant près d’une dizaine spécialités distinctes au sein de 3 organismes de recherches, les chercheurs ont découvert que l’une des structures inexpliquées du plateau de Saqqarah, appelée « Gisr el-Mudir », présente les signatures techniques d’un barrage. Considéré parfois comme le plus vieil ouvrage monumental en pierres au monde, la fonction du Gisr el-Mudir restait inconnue et largement débattue, les hypothèses variant de l’enclos à bétail à la forteresse, jusqu’à l’arène de célébration destinée au pharaon.

Ce barrage, gigantesque par ses dimensions (près de 2 km de long pour 15 m d’épaisseur), présente en réalité toutes les caractéristiques d’un piège sédimentaire. Construit entre deux flans de vallée, il aurait permis la régulation et la filtration grossière de l’eau, tout en offrant une protection contre les crues torrentielles au plateau de Saqqarah situé en contrebas.

En aval du barrage, une étude topographique a permis de montrer l’existence possible d’un lac intermittent, connecté avec l’immense douve entourant le complexe de Djoser, une hypothèse confirmée par les résultats d’analyses géophysiques et sédimentaires d’autres équipes de recherches européennes.


 

Une installation de traitement de l’eau

Dans la partie sud de la douve entourant le complexe de Djoser, les chercheurs se sont intéressés à une excavation monumentale, la « Deep Trench », longue de 400 m et profonde de 27 m, entièrement taillée dans la roche, à la fonction jusqu’alors inexpliquée.

En recoupant les analyses hydrologiques et les résultats archéologiques passés, les chercheurs ont montré que cette structure, qui comprend plusieurs compartiments successifs, réunit toutes les caractéristiques techniques d’une installation de traitement de l’eau. Ces compartiments correspondraient à un bassin de sédimentation, à un bassin de rétention et à un système de purification de l’eau.

Avec le barrage du Gisr el-Mudir, la Deep Trench formait ainsi un système hydraulique complet capable de purifier et réguler de grands volumes d’eau afin de répondre à des besoins pratiques ou encore pour subvenir aux besoins vitaux des ouvriers du plateau de Saqqarah.


 

Le monte-charge hydraulique, un moyen de construction révolutionnaire

Découverte centrale de la publication scientifique, l’équipe de chercheurs a montré que l’architecture interne de la pyramide à degrés de Saqqarah correspond à un mécanisme de monte-charge hydraulique.

Les chercheurs montrent notamment que l’eau issue de l’installation de traitement de la Deep Trench aurait été introduite dans le réseau de conduits souterrains situés sous la pyramide de Djoser (7 km de conduits jusqu’alors inexpliqués).

Au travers de ce réseau hydraulique, l’eau aurait été guidée jusqu’au puits central situé sous la pyramide (28 m de profondeur) et aurait permis par des cycles de remplissage et vidange, l’élévation d’un flotteur transportant des pierres. La pyramide de Djoser aurait été érigée à la manière d’un « volcan » avec les matériaux de construction arrivant au niveau de son axe central.

En poursuivant leurs analyses, les chercheurs suggèrent que les systèmes à bouchon retrouvés au fond des puits correspondraient, non pas aux sarcophages du pharaon Djoser, mais à des mécanismes d’ouverture/fermeture hydraulique, jouant le rôle de vannes.

Sur la base des données paléoclimatiques disponibles et par cartographie des bassins versants environnants, les chercheurs montrent, grâce un modèle hydromécanique, que la ressource en eau disponible pendant la période de construction était suffisante pour permettre la construction de la pyramide.

« Ce travail ouvre une nouvelle ligne de recherche pour la communauté scientifique : celle de l’usage de la force hydraulique pour l’édifications des pyramides d’Égypte. Mais surtout, ce travail questionne sur le niveau de connaissance technique atteint par les architectes de ces ouvrages, qui dépasse de loin les capacités attribuées jusqu’alors. Plus largement, il questionne le fil historique établi. Enfin, l’étude ouvre une autre question : où se trouve la tombe du pharaon Djoser ? Ce système, qui a vraisemblablement servi à ériger la pyramide, pourrait-il avoir permis de placer le roi dans sa dernière demeure, au cœur de la pyramide elle-même ? »

Xavier Landreau, président de Paleotechnic, chercheur au CEA et auteur principal 

A propos de Paleotechnic

Paleotechnic est un institut de recherche privé, spécialisé dans l’archéologie et l’analyse des technologies du passé, notamment issues de l’Egypte Antique. Son cœur de métier est l’étude de la construction des grandes pyramides d’Egypte. En dehors de ses activités de R&D, Paleotechnic propose des prestations de conseil scientifique appliquées à l’égyptologie mais aussi, à la demande, des conférences, plans, coupes, élévations, cartes et cours magistraux. Paleotechnic conduit une recherche multidisciplinaire pour répondre aux questions relatives aux origines de notre civilisation et se distingue par ses méthodes multidisciplinaires mêlant hydrologie, géotechnique, physique, mathématiques, science des matériaux ou encore histoire. Fondé en 2023, Paleotechnic est issu d’une collaboration scientifique impliquant des chercheurs de INRAE, du CEA, du CNRS, de l’université d’Orléans et de trois sociétés privées (SICAME Group, Verilux International, ATOUTSCARTO). 

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